Lieux de shooting06 May 2025

Lieu de tournage et shooting : l’espace privé comme espace médiatisé

De plus en plus, les propriétés privées et habitations ouvrent leurs portes à de parfaits inconnus dans le but de location, échange, prêt… Mais elles se dévoilent aussi au plus grand nombre lorsqu’elles sont médiatisées comme lieu de tournage et de shootings. Une nouvelle activité de plus en plus courante qui séduit les hôtes…

De l’habitat au tiers-lieu ?

Ces derniers siècles, l’habitat a bien évolué. Alors qu’auparavant il rassemblait sous son toit plusieurs générations d’une même famille, il s’ouvre maintenant à de totaux étrangers. Rien d’anormal, notamment dans les pays anglo-saxons et leur culture du Bed&Breakfast ! Mais il s’agissait d’une véritable activité professionnelle. De nos jours, la maison fait partie de ces victimes de l’économie collaborative, repoussant les limites de l’intimité. On y loge des inconnus de manière éphémère (Airbnb mais aussi BelVilla, Abritel), on la prête, on l’échange (TrocMaison, Guest to Guest), et parfois on en confie même les soins à des particuliers (le jobbing ou les conciergeries). Les pratiques se diversifient pour dépasser la simple activité d’hébergement.

L’habitat devient une source de revenu complémentaire, un simple outil mercantile qui rejoint la philosophie du « Share Everything » : une loue sa place de parking (Parkadom), son jardin (jardins-privés.com), sa machine à laver (la machine du voisin) et même sa douche (Wateroom) ! Chaque produit devient un prétexte de partage… rémunéré.

La sphère professionnelle se mêle petit à petit à la sphère privée : après avoir exploré les espaces de co-working, les cafés et restaurants, la maison devient une destination de réunion, de séminaire, d’évènements professionnels mais aussi de production. Lorsque la maison devient un lieu de tournage et de shooting, elle se transforme en un espace médiatisé. Elle n’est plus uniquement partagée avec des « invités », elle s’immortalise auprès du plus grand nombre.

L’habitat : un lieu de tournage privilégié

Et oui, les productions ne se résument pas uniquement à de grands studios hollywoodiens aux imposants fonds verts !

Les productions envahissent toute sorte de lieux atypiques et uniques faisant partie de l’espace public ; Beyoncé et Jay-Z ont déboursé pas moins de 40 000 euros pour tourner leur dernier clip au Louvre !

Paris tout particulièrement est une ville de prestige aux magnifiques décors qui attirent les plus grandes productions (comme Midnight in Paris de Woody Allen). Sans parler des publicités de parfums, de textiles de luxe, de haute gastronomie… qui adorent mettre en scène leurs égéries dans la capitale.

Mais les espaces de particuliers ont toujours été aussi des destinations de tournage évidentes. Par désir de réalité, mais aussi pour accéder à des espaces déjà habités d’une atmosphère et d’une histoire, ces lieux sont idéals et évitent d’avoir à créer de toute pièce un décor.

Les habitations de province ont longtemps été préférées : l’équation paradisiaque « villa – piscine » permettait aussi aux producteurs de trouver un environnement calme et tranquille pour tourner. Les émissions de télé-réalité sont un bon exemple de l’utilisation de villa de charme et maisons contemporaines en province. Pour certaines régions, il s’agissait aussi d’un véritable enjeu de promotion de leurs villes et de valorisation de leur dynamisme.

La Belgique va même jusqu’à mettre en place une « taxe shelter » : elle vise à encourager les sociétés à investir dans les œuvres audiovisuelles via une réduction de leur bénéfice imposable.

Mais aujourd’hui, les petits appartements et maisons de ville cachées en milieu urbain sont de plus en plus convoités. Après tout, c’est dans les villes que le cinéma vit !

Lorsqu’il s’agit d’utiliser son espace personnel comme lieu de tournage, les blogueurs et Youtubeurs ont été d’une forte influence. Tout en minimisant les coûts, ils établissaient une certaine proximité avec leur public – et cela n’a jamais été considéré comme de l’amateurisme… bien au contraire.

Pour les productions plus importantes, tourner en ville demande une certaine organisation qui peut parfois s’avérer délicate, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’un tournage plus que d’un simple shooting.

Autorisations et administration, canalisation de la foule et/ou des passants, logistique des livraisons… sans compter qu’il faut avoir un espace assez grand pour accueillir l’équipe, l’éclairage et le matériel. En moyenne, un espace doit au minimum faire 40m², mais selon l’ampleur du tournage, il faut compter un espace 30 % plus vaste que la moyenne.

La démocratisation des espaces privés comme lieu de tournage

Pour trouver la perle rare donnant un effet “wow” à la scène de tel ou tel film, on faisait appel à un repéreur. La recherche de décors naturels parfaits est un job à temps plein et de longue haleine ; le repéreur est d’ailleurs l’un des premiers à travailler sur la préparation d’un film.

Mais après avoir épluché toutes les maisons de France à la recherche de l’espace parfait, encore faut-il que l’hôte soit d’accord. La démarche était alors très “artisanale” : toquer à sa porte, discuter avec les propriétaires, les convaincre…

Mais le travail du repéreur a été simplifié avec l’arrivée de plateformes numériques, véritables outils de prospection. Les sites comme Airbnb se sont présentés comme de réels concurrents aux agences spécialisées plus traditionnelles. Parfois, il fallait payer un abonnement à ces dernières pour faire partie de leur base de données.

Les demandes de tournages sur ces plateformes se sont multipliées, parfois à la grande surprise de l’hôte qui imagine son salon accueillant toute l’équipe du prochain Luc Besson !

Et cela en toute gratuité et avec un minimum d’effort.

Les nouvelles technologies ont permis une fois de plus de faciliter, et démocratiser, une activité traditionnelle. Grâce aux plateformes collaboratives, les demandes de lieux de tournage peuvent être mieux ciblées et le processus s’en voit accéléré notamment grâce à une mise en relation directe.

Sur We Are Scene par exemple, les tournages peuvent profiter de toute la diversité qu’offrent les espaces de particuliers : appartement scandinave, loft artistique, studio photo professionnel, ou encore maison rustique. On y trouve aussi des lieux modulables comme des cafés ou des restaurants.

Pour les hôtes, de nombreux avantages

Mais pour les hôtes aussi, cela change la donne. Les particuliers peuvent prendre eux-mêmes les devants en mettant leur habitat en location. Ils peuvent totalement manager leur annonce : fixer leur prix, ajouter des extras, définir leur propre règlement.

L’avantage majeur de proposer sa maison comme lieu de tournage ? La location à destination de la production représente une source de revenu bien plus importante que l’hébergement : en une journée de tournage, on peut toucher jusqu’à un mois de loyer (jusqu’à 2000 euros par jour) !

Mais attention, si le revenu est plus important, l’investissement l’est également : il ne faut pas avoir peur de voir son intérieur parfois complètement transformé pour répondre parfaitement aux exigences des réalisateurs. Murs repeints, déménagement de meubles, allées et venues des acteurs, techniciens, maquilleurs… Un véritable exercice de zenitude !

Pas d’inquiétude : les équipes s’assurent de rendre le lieu en parfait état. De la même manière, la préparation du tournage implique parfois plusieurs visites pour appréhender la lumière selon les moments de la journée.

En pratique, les hôtes sont parfois très utiles sur place pour gérer les petits imprévus techniques : alarmes, pannes d’eau, arrosage, voire médiation avec les voisins…

Mais la plupart du temps, les équipes de production s’engagent à payer l’hôtel aux propriétaires si ces derniers ne souhaitent pas rester sur place, parfois transformé en véritable campement !

Malgré toute l’organisation nécessaire autour des lieux de tournage, il s’agit souvent d’une expérience inoubliable pour l’habitant, qui découvre les coulisses du cinéma et apprend beaucoup sur ce milieu fascinant.

Dorothée, une hôte de la marketplace We Are Scene, a accueilli une cinquantaine de tournages. Elle a mis sa maison en location lors du tournage de LOL en 2008 et témoigne dans Marie-Claire :

« Je suis tombée sur elle, en peignoir dans mon jardin, mais je ne l’ai pas reconnue tout de suite ! »

Au-delà du sentiment d’accéder à une sphère privée, les hôtes retirent souvent une certaine fierté de cette expérience : voir sa maison au cinéma, c’est aussi l’inscrire dans une forme d’histoire.

Il s’agit d’ailleurs du même phénomène que sur Airbnb : grâce aux photographes qui shootent les appartements, on a souvent l’impression d’avoir affaire à des lieux design, pensés comme des pages de catalogue.